METRO CANADA / 7 mars 2011

 

Charlize Theron: «Il ne faut pas se taire»

L’actrice sud-africaine Charlize Theron s’implique depuis des années dans la lutte contre le viol des femmes dans son pays natal.
Aujourd’hui ambassadrice des Nations unies, elle s’attaque maintenant au problème sur toute la planète.
 

ELISABETH BRAW
METRO WORLD NEWS
Publié: 07 mars 2011
 

Charlize Theron n’a pas peur de parler de viol. C’est sans doute parce que son pays natal, l’Afrique du Sud, a un bien piètre bulletin à cet égard. Elle travaille désormais pour toutes les femmes victimes de viol. Métro s’est entretenu avec l’ambassadrice des Nations unies.

Pourquoi avez-vous choisi cette cause plutôt qu’une autre un peu plus joyeuse?
Je suis sud-africaine et l’Afrique du Sud est tristement notoire pour ses cas de viol. Le tiers des femmes dans mon pays ont été violées et on craint que la situation soit bien pire puisque les femmes se taisent généralement. En 1998, une organi­sation travaillant auprès de victimes m’a demandé de m’impliquer. Alors, j’ai accepté. Dès lors, le gouvernement sud-africain nous a mis des bâtons dans les roues parce qu’il craignait que le tourisme soit affecté. Le président a même donné une entrevue à la télévision lors de laquelle il a remis en question les statistiques. Il a dit : «Comment ça, il y a un viol toutes les minutes en Afrique du Sud? On se parle depuis cinq minutes, avez-vous été témoin d’un viol?» Ça m’a encore plus poussée à m’impliquer.

Connaissez-vous des femmes qui se sont fait violer?
Oui. Si j’étais restée en Afrique du Sud, j’aurais pu être une victime aussi. Personne n’est à l’abri. Mais ce n’est pas pour cette raison que je m’implique. Les gens croient qu’il faut être touché personnel­le­ment par une cause pour y être sensible ou se mobiliser. Je ne pense pas de cette façon. J’ai seule­ment à cœur la situation grave qui sévit dans mon pays.

Dans Monster, vous personnifiiez une femme qui se vengeait d’avoir été blessée par des hommes en les tuant. Est-ce que les femmes ont un droit moral de vengeance?
Certaines femmes, surtout dans les pays où la violence sexuelle est répandue, ont été violées jusqu’à être mutilées. Je comprends qu’elles veuillent se venger. Mais qui suis-je pour dire comment les femmes devraient se sentir ou réagir?

Au fil des ans, il y a eu plusieurs campagnes de sensibilisation pour stopper la violence sexuelle, mais rien ne bouge. Que faut-il faire?
Si je le savais, j’aurais gagné le prix Nobel de la paix. Oui, nous avons beaucoup parlé dans les dernières années, mais si arrêtons, les choses empireront. Les Nations unies ont mis beaucoup de pression sur le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC). Dernièrement, un colonel a été accusé et emprisonné pour avoir demandé à ses soldats de violer des femmes. Cinquante-neuf femmes ont été assez courageuses pour témoigner à son procès.

Comment vous sentez-vous lorsque vous rencontrez des victimes?
Un jour, j’ai rencontré un groupe de victimes en RDC. Elles étaient très heureuses et elles chantaient ensemble. Elles avaient été si violentées qu’elles avaient besoin d’opérations pour des fistules. Elles avaient donc des fuites et le plancher était couvert d’urine. Malgré tout, elles étaient heureuses. Puis, j’ai rencontré des femmes qui avaient été opérées. Une avait 79 ans et une autre 80. Comment ne pas vouloir aider ces femmes?

Des femmes violées peuvent donc malgré tout être heureuses. Qu’est-ce qui vous rend heureuse?
Ce travail est néanmoins enthousiasmant. Avant, je me frustrais rapidement quand je réalisais que je ne pouvais pas régler le problème. Maintenant, je pense aux femmes qui chantaient, à ces femmes qui prenaient le contrôle de leur vie dans de pareilles circonstances. C’est très inspirant. Plusieurs n’auraient par survécu à de telles épreuves. Ces femmes voulaient participer à la construction du village qui leur était promis. Leur leader avait 35 ans, comme moi. Je me suis identifiée à elle. C’était magnifique de la voir mener ces 60 femmes, probablement la première compagnie de construction féminine de la RDC! Et elles en étaient très fières. Cette journée m’a convaincue que mon travail était valorisant.

 


Source: www.journalmetro.com

 

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