Charlize
Theron n’a pas peur de parler de viol. C’est sans doute parce que son
pays natal, l’Afrique du Sud, a un bien piètre bulletin à cet égard.
Elle travaille désormais pour toutes les femmes victimes de viol. Métro
s’est entretenu avec l’ambassadrice des Nations unies.
Pourquoi avez-vous choisi cette cause plutôt qu’une autre un peu plus
joyeuse?
Je suis sud-africaine et l’Afrique du Sud est tristement notoire
pour ses cas de viol. Le tiers des femmes dans mon pays ont été violées
et on craint que la situation soit bien pire puisque les femmes se
taisent généralement. En 1998, une organisation travaillant auprès de
victimes m’a demandé de m’impliquer. Alors, j’ai accepté. Dès lors, le
gouvernement sud-africain nous a mis des bâtons dans les roues parce
qu’il craignait que le tourisme soit affecté. Le président a même donné
une entrevue à la télévision lors de laquelle il a remis en question les
statistiques. Il a dit : «Comment ça, il y a un viol toutes les minutes
en Afrique du Sud? On se parle depuis cinq minutes, avez-vous été témoin
d’un viol?» Ça m’a encore plus poussée à m’impliquer.
Connaissez-vous des femmes qui se sont fait violer?
Oui. Si j’étais restée en Afrique du Sud, j’aurais pu être une
victime aussi. Personne n’est à l’abri. Mais ce n’est pas pour cette
raison que je m’implique. Les gens croient qu’il faut être touché
personnellement par une cause pour y être sensible ou se mobiliser. Je
ne pense pas de cette façon. J’ai seulement à cœur la situation grave
qui sévit dans mon pays.
Dans Monster, vous personnifiiez une femme qui se vengeait d’avoir été
blessée par des hommes en les tuant. Est-ce que les femmes ont un droit
moral de vengeance?
Certaines femmes, surtout dans les pays où la violence sexuelle est
répandue, ont été violées jusqu’à être mutilées. Je comprends qu’elles
veuillent se venger. Mais qui suis-je pour dire comment les femmes
devraient se sentir ou réagir?
Au fil des ans, il y a eu plusieurs campagnes de sensibilisation pour
stopper la violence sexuelle, mais rien ne bouge. Que faut-il faire?
Si je le savais, j’aurais gagné le prix Nobel de la paix. Oui, nous
avons beaucoup parlé dans les dernières années, mais si arrêtons, les
choses empireront. Les Nations unies ont mis beaucoup de pression sur le
gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC). Dernièrement,
un colonel a été accusé et emprisonné pour avoir demandé à ses soldats
de violer des femmes. Cinquante-neuf femmes ont été assez courageuses
pour témoigner à son procès.
Comment vous sentez-vous lorsque vous rencontrez des victimes?
Un jour, j’ai rencontré un groupe de victimes en RDC. Elles étaient
très heureuses et elles chantaient ensemble. Elles avaient été si
violentées qu’elles avaient besoin d’opérations pour des fistules. Elles
avaient donc des fuites et le plancher était couvert d’urine. Malgré
tout, elles étaient heureuses. Puis, j’ai rencontré des femmes qui
avaient été opérées. Une avait 79 ans et une autre 80. Comment ne pas
vouloir aider ces femmes?
Des femmes violées peuvent donc malgré tout être heureuses. Qu’est-ce
qui vous rend heureuse?
Ce travail est néanmoins enthousiasmant. Avant, je me frustrais
rapidement quand je réalisais que je ne pouvais pas régler le problème.
Maintenant, je pense aux femmes qui chantaient, à ces femmes qui
prenaient le contrôle de leur vie dans de pareilles circonstances. C’est
très inspirant. Plusieurs n’auraient par survécu à de telles épreuves.
Ces femmes voulaient participer à la construction du village qui leur
était promis. Leur leader avait 35 ans, comme moi. Je me suis identifiée
à elle. C’était magnifique de la voir mener ces 60 femmes, probablement
la première compagnie de construction féminine de la RDC! Et elles en
étaient très fières. Cette journée m’a convaincue que mon travail était
valorisant. |